Une haute école en route vers le zéro net
Les objectifs sont définis, les projets ficelés: l’EPFZ vise le zéro net. Si beaucoup d’incertitudes subsistent, une chose est sûre: il faut du courage et de la volonté pour atteindre l'objectif. Heureusement que l’EPFZ, en sa qualité de haute école fédérale, se distingue justement par l’innovation et la coopération.

Conformément à l’Accord de Paris sur le climat et en qualité de membre de l’administration fédérale suisse, l’Ecole Poytechnique Fédérale de Zurich (EPFZ) est tenue de réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Le programme «ETH zéro net» réunit tous les domaines de direction de l’école et tous les départements pour qu’ils participent à la réduction des gaz à effet de serre. D'ici 2030, les émissions des scopes 1 et 2 ainsi que les émissions des voyages en avion doivent être réduites de 50 % par rapport à 2006, et les autres émissions du scope 3 de 20 %. Cet objectif sera atteint grâce à neuf projets de transformation. Les deux membres de l’équipe «ETH Sustainability», Sebastian Kahlert (responsable du programme ETH zéro net) et Julia Ramseier (responsable de la communication) expliquent dans cette interview pourquoi l’EPFZ est prédestinée à aller vers le zéro net et comment son campus ainsi que la vie professionnelle et étudiante peuvent être décarbonisés.
«ETH zéro net» a été lancé au printemps dernier. Comment les membres de l’EPFZ ont-ils réagi à ce programme?
Sebastian Kahlert: Notre personnel, les chercheuses et chercheurs ainsi que le corps estudiantin ont depuis longtemps une opinion claire sur la nécessité d’agir et sur les ambitions élevées de l’EPFZ qui en découlent. Des initiatives et des projets autonomes ont déjà vu le jour. Trois départements ont par exemple introduit des taxes sur le CO2 afin de réduire les voyages en avion et différents projets pilotes ont été lancés par des membres du personnel pour une exploitation des laboratoires respectueuse des ressources, comme le projet GreenLabs. Les réactions au lancement du programme ont donc été pour la plupart positives. Néanmoins, des voix critiques se sont également élevées. Quelques membres de l’EPFZ ont exprimé des doutes quant à la faisabilité et à l’efficacité de certaines mesures. Les points critiques sont intégrés de manière constructive dans le processus de discussion et permettent d’apporter des améliorations.
Pourquoi l’EPFZ est-elle prédestinée à devenir une pionnière et un modèle de décarbonisation?
Julia Ramseier: En tant que haute école technique et scientifique fédérale, l’EPFZ peut mettre à disposition des connaissances et des technologies pour faire progresser la décarbonisation. Nous faisons partie des hautes écoles les plus importantes au monde dans le domaine de la recherche sur le climat. Une grande partie du corps professoral se consacre à différents aspects du changement climatique. Nous offrons à nos étudiantes et étudiants un large choix de filières systémiques et interdisciplinaires ainsi qu’une participation active au développement technologique. De plus, notre campus vaste et diversifié est un excellent laboratoire vivant pour tester et développer de nouvelles technologies. Mais nous ne sommes pas seulement prédestinés: nous nous considérons depuis toujours comme une institution de la Confédération au service de la société. La loi sur la protection du climat donne à nos objectifs un cadre légal que nous interprétons de manière ambitieuse et qui nous motive à agir efficacement. Grâce à son excellence dans le domaine scientifique, l’EPFZ jouit d’une grande considération et d’une grande confiance au sein de la société.
La décarbonisation du campus joue un rôle important pour atteindre le zéro net. Comment y parvenir?
Sebastian Kahlert: Notre objectif est de réduire au maximum l’utilisation des énergies fossiles sur le campus d’ici 2030 et d’éliminer totalement celles-ci d’ici 2040. Cela veut dire que nous allons réduire toutes les activités basées sur les combustibles fossiles et/ou les remplacer par des sources d’énergie renouvelables. Aujourd’hui, la part des énergies renouvelables représente d’ores et déjà environ 80 % de la consommation totale d’énergie. Sur le campus d’Hönggerberg, les décisions d’investissement clairvoyantes prises au début des années 2000 en vue de construire le réseau d’anergie, un système dynamique de stockage géothermique pour la chaleur et le froid renouvelables, portent leurs fruits. Une nouvelle extension est prévue au cours des années à venir. Les centrales à énergie totale équipées, qui fonctionnent aux énergies fossiles, ont pu être arrêtées. D’autres mesures sont envisagées: le passage du mazout ou du gaz naturel à la biomasse, le développement du photovoltaïque et l’électrification de la flotte de véhicules. Mais l’amélioration de l’efficacité énergétique est tout aussi importante que le passage à des technologies respectueuses du climat. Nous y parvenons en assainissant les bâtiments ainsi qu’en identifiant et en utilisant les potentiels d’économie au niveau de l’exploitation et de la recherche.

Quelle est la mesure de décarbonisation la plus récente du campus?
Sebastian Kahlert: La dernière mesure en date est l’intégration d’une pompe à chaleur / machine frigorifique d’une puissance de 3,2 mégawatts (pour la chaleur) et de 2,8 mégawatts (pour le froid) dans le réseau d’anergie d’Hönggerberg. Cette installation choisit le conducteur froid ou chaud du réseau d’anergie en fonction des besoins. Grâce à quatre compresseurs pilotables individuellement, l’installation peut être adaptée facilement à la demande du moment. Le réseau d’anergie avec pompe à chaleur / machine frigorifique est un système très efficace pour un approvisionnement en chaleur et en froid respectueux de l’environnement. Il est cependant extrêmement complexe, car il repose sur une multitude de paramètres. Le logiciel de commande est en cours d’optimisation.

Certains domaines de recherche sont tributaires de températures élevées. Comment les produire à l’avenir sans recourir aux énergies fossiles?
Sebastian Kahlert: L’EPFZ expérimente les technologies innovantes les plus diverses. Par exemple, un groupe de recherche des domaines de la technique énergétique et des systèmes de processus ou des sources d’énergie renouvelables a mis au point un piège thermique qui atteint une température de plus de mille degrés grâce à la lumière du soleil. L’élément principal de ce piège thermique est un cylindre de quartz qui, grâce à ses propriétés optiques, peut absorber efficacement la lumière du soleil et la transformer en chaleur. On peut également citer la nouvelle approche en matière de pompes à chaleur, développée en collaboration avec la Haute école spécialisée de Suisse orientale, qui permet de produire de la chaleur industrielle jusqu’à 200 degrés. Cette approche innovante repose sur un mélange d’agents réfrigérants à deux composants.
Quels sont les défis à relever pour atteindre le zéro net?
Julia Ramseier: Nous considérons le programme «ETH zéro net» comme une expédition commune, quelque chose qui est perçu comme l’objectif d’un processus commun. Il s’agit d’une tâche complexe qui nécessite à la fois des orientations globales et des changements de comportement individuels au sein de la communauté de l’EPFZ. C’est ce que nous voulons également exprimer avec notre campagne d’automne de cette année sur le thème «Precious Resources – Ressources précieuses» à l’EPFZ. Chacune et chacun d’entre nous peut faire sa part. Même les petits changements de comportement, par exemple éteindre systématiquement les écrans et autres appareils électroniques lorsqu’ils ne sont pas utilisés, ou manger dans de la vaisselle réutilisable, préservent les ressources et nous rapprochent du zéro net. C’est pourquoi, en tant que coordinatrices et coordinateurs de «ETH Sustainability», nous organisons sciemment ce processus avec la communauté de l’EPFZ et nous proposons aux membres de notre haute école des points de contact, des incitations à changer de comportement («Rethink your Routines») et des informations de fond dans le cadre de campagnes. Les voyages d'affaires constituent un autre défi. C'est pourquoi nous consacrerons notre campagne de l'année prochaine à cette thématique. Enfin, le plus grand défi, que nous considérons également comme une chance, est le degré d'incertitude de cette expédition «zéro net». Personne ne sait encore exactement ce que cela fait d’être membre d’une haute école qui a atteint le zéro net, mais une chose est sûre: nous nous engageons sur cette voie avec tous les membres de l’EPFZ.
Cet article technique est paru le 13 décembre 2024 dans le journal Domotech.
Documents
Sources
Texte: Julia Gremminger, Polarstern AG
Photos: EPFZ